Plume D Serves

A propos d’un certain sorcier à lunettes

« Je suis sûr que tu es fan d’Harry Potter ! »
En effet, c’eut été logique. J’aimais les livres, je voulais en écrire, j’aimais le fantastique, mon genre de prédilection, j’aimais la magie, je rédigeais mon propre grimoire avec application, et j’aimais les sorcières dans leur ensemble, je m’étais même convaincue que j’avais dû en être une dans une vie antérieure.
Pourtant les aventures d’Harry ne m’ont jamais vraiment passionnées. J’ai mis deux ans à lire le premier tome que je trouvais trop descriptif et c’est seulement à l’âge de seize ou dix-sept ans que j’ai finalement décidé d’acheter tous les volumes et de les lire d’une traite.
J’ai longtemps cherché des explications pour justifier cette bizarrerie dans mon parcours de lectrice. Il m’est venu qu’au fond, je n’ai jamais été fan, tout simplement.

Quand j’étais petite, avec une amie, on avait un jeu auquel on jouait tous les jours : on s’imaginait être dans une bibliothèque géante dont les livres étaient magiques, en appuyant sur un joyau incrusté dans la couverture, sur la tranche, on se retrouvait projetées à l’intérieur de l’histoire, incarnant les personnages. On se promenait donc dans la cour de récréation, en sortant chacune notre tour des livres imaginaires dont on lisait le résumé, c’est-à-dire qu’il nous fallait dire la première chose qui nous passait par la tête sans faire mine de réfléchir. Nous n’avions que le temps de dire « il était une fois », pour penser à une suite. Si notre idée plaisait à l’autre, on appuyait sur le joyau, sinon, on piochait un autre livre. Au bout d’un moment, nous n’avions plus d’idées, alors nous faisions semblant de changer d’étage et nous en avions à nouveau, miraculeusement.
Ce dont je me souviens en particulier à propos de ce jeu, c’est que mon amie insistait toujours pour que nous incarnions des personnages issus des dessins animés qu’elle regardait avant l’école. Tous les matins, elle arrivait et me décrivait un nouveau Pokémon qui me semblait toujours correspondre à une description unique, « une boule trop mignonne », et qui devenait notre avatar jusqu’à ce qu’elle se lasse et que nous redevenions son personnage fétiche : un Pikachu.
Moi, j’acquiesçais sans discuter puis, une fois le jeu lancé, j’oubliais quelle forme nous étions supposées avoir pour me concentrer sur ce qui revêtait pour moi bien plus d’importance : l’histoire que nous inventions de toute pièce.

Pour moi, l’intérêt d’un jeu n’a jamais été, comme c’était le cas pour la plupart de mes amis, de me projeter dans un univers connu. Ce que j’aimais, c’était inventer mon propre monde. Les autres enfants (pas tous) avaient des cartes Magic ou Pokémon, moi, je dessinais mes propres cartes dont tout le monde se fichait. Les autres enfants (pas tous non plus) devenaient les héros de leurs séries/films/livres favoris et affrontaient des méchants bien connus, moi, je passais des heures à inventer un contexte, de quoi j’avais l’air, dans quel monde je vivais, quels étaient mes pouvoirs, quelles étaient les vraies motivations de mes némésis. Le plus amusant, pour moi, c’était mettre en scène les dialogues. Bref, j’étais totalement exaspérante, surtout pour ma sœur qui n’avait qu’une hâte : pourfendre ses ennemis à grands coups de bâton dans les herbes hautes.

Quant à J.K Rowling, elle proposait dans ses romans une immersion dans un univers très fourni, une vision claire d’un monde parallèle dans lequel toute chose était définie. Pour beaucoup donc, elle a créé une porte d’entrée vers un espace fictif de rêve. Combien de lecteurs dans le monde ont rêvé de recevoir leur lettre d’admission à Poudlard ?
Mais à mes yeux, elle a créé une histoire finie dans laquelle il ne me restait plus rien à inventer.
Je n’ai pas accroché.
Je n’ai pas voulu collectionner les baguettes magiques, les écharpes aux couleurs Gryffondor, Poufsouffle, Serdaigle ou Serpentard, pas plus les Nimbus 2000 grandeur nature ou les reproductions de la carte du Maraudeur. Je n’ai pas voulu apprendre le bon mouvement de poignet pour wingardium leviosa, ni ce qu’on obtient quand on ajoute de la racine d’asphodèle en poudre à une infusion d’armoise. Je n’ai pas voulu me cantonner aux règles écrites par une autre, fussent-elles géniales.
Je n’ai pas été fan, bien qu’il faut l’avouer, j’aurais aimé l’être.
Je me dis que j’ai surement raté quelque chose en étant pas pas de ceux qui ont adoré la série, qui ont fait la queue à minuit et en costume pour avoir le dernier opus dès sa sortie, qui ont vu tous les films en avant première, qui ont rêvé leur vie entière de recevoir une lettre d’admission à Poudlard, qui ont lu et écrit des centaines de fanfictions, qui ont fait partie d’un tout. C’est beau, un tout.

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