Les jours de sel, je vous trouve si vides. Pardon hein. Je devrais pas le dire. Ça fait gatekeep un peu, de dire qu’il n’y à rien dans votre queerness. Rien qu’un verni un peu pathetique. Vous vous enrubannez comme des papillotes dans des looks alternatifs et des slogans de manif. C’est cool, j’dis pas. Stylée comme esthétique. Et si ça pouvais refléter qqch ce serait formidable. Mais les jours de sel, franchement, je m’en cogne.
Les jours de sel, faut dire, ne viennent pas de nulle part. Ils naissent de vos efforts pour nous détruire. Vous ne comprennez pas. Ce n’est pas que vous n’êtes pas vraiment queer, vous l’êtes peut-être même plus que nous, pour ce que j’en sais. Après tout, les milieux queers sont à votre image. Mais vous êtes une nouvelle norme qui n’a pas conscience d’elle-même. Une nouvelle norme anti-patriarcale construite en parfait miroir du patriarcat. Girl power. Cis girl power. Le mecs à la poubelle, les gays avec eux, qu’ils s’amusent sur Grinder. Les meufs au sommet de l’échelle, les transmascs dans leur ombre, digne continuité de la « sociabilisation féminine » qui garanti à jamais la place de Grande Victime du sexisme. Les meufs trans en faire-valoire, vous les aimez tant qu’elles ont le passing fem en ligne de mire, tant qu’elles vous aiment au point de vouloir à tout prix vous ressembler. Tant qu’elles se taisent. Qu’elles ferment bien leur gueule surtout. Qu’elles viennent pas vous emmerder avec la transmisogynie qu’elles se mangent. Déjà que vous avez admis qu’elles subissent le sexisme comme vous, oh, faut pas trop en demander. Vous aurez bien le temps de les honorer quand elles seront mortes. « Les femmes trans sont des femmes » : C’est pas un fait magueule, c’est une consigne.
C’est vous qui dictez les règles 2.0. La « bonne » rep, les « safes » spaces, la non-mixité sans mecs cis. C’est vous, qui n’inventez rien, qui avez le pouvoir de decider qui n’a pas le droit de citer, qui est « problématique », qui met « tout le monde » mal à l’aise.
Y’a pourtant des fois où on arrive à exister en dehors de vos codes. Et ça vous arrache la rétine de nous regarder.
Faut dire qu’on s’aime, qu’on se soutient, qu’on compte les unns sur les autres. Or de votre expérience, c’est là le début de la dépendance, de la co-dependance, de l’emprise, c’est presque déjà le début d’une violence psychologique. Faut dire qu’on s’éttreind, qu’on s’embrasse, qu’on flirt, qu’on brouille allègrement les frontières entre le couple, l’amitié, le support émotionnel, le sexe. Faudrait se rapprocher un peu pour nous comprendre, mais de votre expérience, nos corps qui se nouent sans ordre et au su de tous pourraient aussi bien être le terreau fertile à tous les abus. Avez-vous bien la preuve que l’on consent ? Faut dire que les meufs trans sont majoritaire parmis nous, et vous avez beau répéter qu’elles sont des femmes, au fond de vous, vous les voyez surtout pour ce qu’elles ont entre les jambes, pour leur capacité à pénétrer qui, doublée de leur prétendu socialisation masculine, font d’elles toutes des menaces sexuelles en puissance. Vous nous analysez au prisme de ce que nous ne sommes pas. De ce que vous ne pouvez pas vous empêcher d’être. Et puis vous allez pleurer de ne pas vous sentir légitime. La blague.
Alors vous regardez sur qui nous semblons nous reposer, qui a des idées, qui n’a pas peur de les exprimer, qui se bat visiblement pour faire avancer les choses, et vous placer une cible dans son dos. Vous laissez votre dégoût se muter en haine.
Vous chercherez à détruire, soi-disant par « bonté », pour nous « protéger » de cet amour que vous ne pouvez concevoir. Pour demander qu’à nouveau cet espace qui se dit queer se conforme à vos attentes. Après tout, nous ne sommes qu’une minorité non représentative que vous n’avez jamais pris la peine de consulter. Vous pouvez bien faire de nous des victimes ou des complices, selon ce qui vous arrange. Pourvu qu’on dégage.
Les jours de sel, je me dis que rien ne vous distingue des homophobes ordinaires, sinon votre application à respecter certains codes arc-en-ciel. Vous ne gardez que la surface de ce que nous sommes. Uniquement ce qui se mesure. Vous ne créez pas, vous normalisez. Et vous vous plaignez de ne même pas gagner à votre propre jeu.
Continuez-donc à chercher de la validation. Nous, nous refusons de laisser une autorité extérieure nous déterminer. C’est ça la différence entre vous et nous. Ce n’est ni une question de genre ni d’orientation sexuelle. Tout cela au fond n’est que secondaire. C’est tout le rapport au monde qui compte. Et le votre est hiérarchique. Vous ne savez rien faire d’autre que porter vos blessures en étendard, pour vous placer loin au dessus des autres, quelque part où il serait indigne de vous adresser le moindre reproche. Eh, vous *souffrez*. Et se faisant, vous vous empêchez de jamais guérir, ça vous délégitimiserait à vos propres yeux que d’aller ne serait-ce qu’un peu mieux. Il n’y a pas de joie dans votre gayté. Pas de fierté dans vos prides.
Les jours de sel, je me dis que vous pouvez bien gardez les drapeaux. Je voudrais juste être normall pour ne pas avoir à subir votre médiocrité. Mais pour le meilleur et pour le pire : je n’ai besoin d’aucun artifice pour être moi. Il me suffit d’ouvrir la bouche.
Et quand les jours de sel auront fini de couler sur mes joues, je sais que nous nous relèveront, et nous seront, comme nous l’avons toujours été, plus grandds que vos bassesses. Car jusqu’au fond des marges où vous voudriez nous reléguer, nous n’avons pas peur de briller.
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